Faire l’amour sans se presser, le slow sex comme révolution sensuelle

Et si ralentir devenait l’érotisme ultime ? Dans Le Slow sex : S’aimer en pleine conscience, Diana Richardson, Anne Descombes et Jean-François Descombes proposent une relecture sensuelle, politique et profondément incarnée de nos rapports sexuels. Oubliez la frénésie, le chrono et l’obligation de jouir. Ici, l’amour se fait à nu, mais aussi à l’écoute. Chronique d’une révolution douce, mais redoutablement subversive.
Le silence après le frisson
Il y a ce moment, juste après ou juste avant, quand les peaux se touchent mais ne s’affolent pas. Le souffle s’accorde sans chercher à s’accélérer. Cet espace suspendu, indéfini, échappe à tout script. Et si c’était là, précisément, que résidait l’érotisme véritable ? C’est dans ce temps long, lent, habité et conscient que le slow sex s’installe, pas comme une tendance de plus, mais comme une insoumission sensuelle à la sexualité performative.
« Faire l’amour lentement n’est pas une technique. C’est un état d’être. »
Dès cette première déclaration, les auteurs plantent le décor : celui d’un amour qui ne se prouve pas mais se vit, d’un plaisir qui ne cherche pas à culminer mais à s’étirer et d’un désir qui ne se mesure pas en intensité mais en présence.
Diana Richardson n’est pas une coach autoproclamée ou un gourou tantrique en robe fluide. Elle parle de sexualité comme on parle de terrain connu et pourtant mal exploré. Ses deux co-auteurs, thérapeutes et accompagnants de terrain, apportent une approche sensorielle, psychologique et concrète. À trois, ils signent un ouvrage d’une rare clarté, qui déshabille nos mécaniques sexuelles sans jamais nous faire la morale. Et ce qu’ils nous proposent, c’est de coucher autrement. Il s’agit de ne plus courir après le plaisir mais de s’y déposer et de ne plus “faire l’amour” mais de l’incarner.
« Le sexe lent ne recherche pas un but. Il accueille ce qui est là. »
Le slow sex, c’est le refus du pilote automatique. C’est respirer, prendre le temps de poser une main et d’écouter un souffle sans précipiter une caresse. Ce n’est pas une absence de désir mais plutôt un désir qui prend ses aises.
L’orgasme peut attendre ou ne jamais venir
L’un des tabous les plus coriaces que le livre démonte avec une élégance tranquille est celui de l’orgasme obligatoire.
« L’orgasme est souvent perçu comme une finalité, mais cette pression crée plus de tensions que de plaisir. »
Le slow sex, à rebours de la logique téléologique du coït parfait, propose une nouvelle carte du plaisir, sans sommet imposé, sans timing idéal et sans score à atteindre. Parfois, l’orgasme surgit, long, profond et inattendu. Par instant, il ne vient pas. Et cela n’a rien d’un échec. Entre deux soupirs, il y a d’autres formes de jouissance : celle d’un regard maintenu, d’une chaleur partagée et d’un abandon qui ne demande rien. Ici, le sexe cesse d’être un parcours à compléter. Il devient une expérience. Et cette désacralisation de la jouissance crée un espace de l’écoute, de l’intime et du vivant. Le livre est tendre mais pas naïf pour autant. Il observe la sexualité contemporaine avec une lucidité acérée. Il dénonce la saturation pornographique, les injonctions à la performance, l’orgasme chronométré et la sensualité désincarnée. Face à cette pression, Le Slow sex fait figure d’alternative douce mais redoutablement politique.
« La lenteur est un luxe. Dans la sexualité aussi. »
Il s’agit de renoncer à tout ce qui presse, pousse et exige. Il n’est plus question de “réenchanter sa libido” en piochant dans des jeux à thème, mais de s’accorder du silence, de l’immobilité et de la présence nue. Dans ce refus de courir se niche une insurrection érotique. L’ouvrage théorise un plaisir non productif, non spectaculaire et non instagrammable. Dans cette lenteur naît une forme de puissance inédite et douce, sans domination ni soumission.
La lenteur comme pratique corporelle
Le livre est traversé de propositions simples, presque déroutantes par leur évidence. Les auteurs invitent à respirer ensemble, s’enlacer sans but, poser la main sur le cœur de l’autre et faire l’amour sans mouvement.
« L’immobilité peut devenir un espace d’intensité extraordinaire. »
Ici, pas de gadgets ou de contorsions, mais un corps réapprivoisé et un espace sacralisé. Le sexe redevient une rencontre et non une démonstration. Et ça fonctionne. Le témoignage des couples qui ont pratiqué le slow sex est unanime. Son exercice permet une redécouverte du corps et l’apaisement des tensions. Nombre de couples ont la sensation de retrouver un lien plus profond et plus approfondit… Parfois, sa pratique aide même certains à retrouver leur libido. Et pour d’autres, c’est simplement le plaisir d’être ensemble qui refait surface. Ce n’est pas tant un guide qu’une une manière de se tenir face à l’autre. Et c’est sans doute ce qui fait la beauté du livre. Il ne donne pas de leçons mais invite. Il rappelle que le désir n’est pas une performance, mais un langage. Le plaisir n’est pas une fin, mais une possibilité et l’intimité ne s’achète pas en sextoys, mais se cultive dans l’attention, la disponibilité et le souffle partagé.
« Le slow sex ne s’apprend pas. Il s’autorise. »
C’est peut-être cela, le cœur de cette approche. C’est une forme de permission sensuelle à ralentir permettant de désirer autrement, de ne pas savoir et de ressentir sans devoir expliquer.
Finalement le slow sex n’est pas tiède. Il est brûlant d’un feu qui ne cherche pas à s’embraser trop vite. Il ne propose pas de faire moins l’amour mais de le faire mieux et de façon plus vraie. Pour ce faire, il faut être plus présent, plus libre et plus écouté. Dans une société qui exige toujours plus, faire l’amour en pleine conscience devient un luxe et une insoumission. Et s’il fallait ne garder qu’une phrase du livre, ce serait peut-être celle-ci :
« Faire l’amour sans chercher à aller quelque part, c’est parfois le seul moyen d’arriver vraiment. »
Et si c’était ça, la nouvelle modernité érotique ? Faire l’amour sans urgence, sans but et sans chrono. Coucher juste pour sentir, être et jouir autrement.