ART Q N°6 : LE BAISER
Le cul c’est tout un art, il n’y avait donc pas de raison que l’art ne s’empare pas du cul …
Art Q est donc né afin de donner un certain éclairage au cul dans l’art !
ART Q N° 6
LE BAISER DANS L’ART
Introduction :
Le baiser ! Ah le baiser ! C’est souvent par-là que tout commence et que, parfois, tout finit ! Le baiser, c’est franchir un cap !
Un cap !? Ah non, c’est un peu court messieurs, dames,
On pourrait décliner ! Oh ! Mon dieu ! Bien des mots, bien des gammes !
Agressif ! Moi gente foule, si j’avais à embrasser,
Votre bouche j’honorerais d’une belle langue fourrée
Gourmand ! Laissez là les fades bécots et venez plutôt
Goûter à ma fameuse fricassée de museaux !
Parisien et révolutionnaire ! Je serai votre Gavroche,
Quoi de mieux, sur les barricades, qu’une belle galoche !
Orgiaque ! Tiens, au sein d’une grande partouze,
Offrez vos lèvres à une centaine de ventouses
Ouvrière : N’ayez pas peur de cette besogne
Et laissez-moi, sur le champ, vous sucer la trogne !
Britannique ! Non le Brexit n’est pas un caprice !
Venez ici échanger un dernier french kiss
Glacial : Qu’importe la froidure du permafrost sibérien,
Venez réchauffer vos belles lippes à mon brûlant patin
Prophylactique ! Adieu langues entremêlées en sensuelles frasques
Désormais il nous faudra porter ces satanés masques !
A la Cyrano ! Que ne donnerais-je pour que s’unissent nos bouches
Dommage qu’avec la Covid, à la fin de l’envoi … plus rien ne touche !
Voilà ce qu’à peu près vous m’auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit
Eussiez-vous été ainsi, un tant soit peu rebelle
Sur le champ, je vous aurais roulé une pelle !
Tout cela pour imager un baiser tantôt romantique, tantôt chaste, un baiser enfantin, un baiser sensuel voire même un baiser social ou politique !
Le baiser a traversé les âges et l’art s’en est évidemment emparé avec plus ou moins de gourmandise.
1) Préhistoire et Protohistoire
Sur la période de la préhistoire : rien ! Aucune trace dans l’art rupestre d’une quelconque existence du baiser chez nos ancêtres préhistoriques. On a vu dans les précédents Art Q que la sexualité pouvait y être représentée mais sans savoir si ces représentations avaient une signification sacrée ou si le sexe était considéré comme sujet artistique à part entière. On peut présumer que, les primates étant coutumiers du baiser en tant que lien social, Cro-Magnon et Neandertal pratiquaient le baiser, mais c’est une simple hypothèse.
Comme bien souvent, les premières traces de représentations artistiques du baiser nous viennent de l’Égypte antique. Et encore !
Les hiéroglyphes et sculptures du peuple du Nil représentant le baiser sont très peu nombreuses, tout comme les scènes de sexe. On ne connait qu’un exemple à ce jour d’un papyrus vraiment explicite : le papyrus de Turin.
Le reste n’est que conjecture. Sur l’ancien empire, on n’a absolument aucune trace de quoi que ce soit. Concernant le moyen empire (- 2 000 AVJC) et le nouvel empire (-1 500 AVJC) on n’a que très peu de représentations de baisers, ces dernières ne sont pas explicites et donnent lieu à de nombreux débats et interprétations. Homosexualité, fraternité, sororité … on reste sur des conjectures.
2) L’Antiquité
LA GRECE
Pour celles et ceux qui étaient présents lors des précédents Art Q, le baiser dans le monde gréco-romain tient la même place sociale que certains types de relations sexuelles (je n’emploie volontairement pas le terme « d’homosexualité » puisque le concept même échappait totalement aux grecs). Il s’agit avant tout d’un marqueur social et hiérarchique, c’est donc, vous l’aurez deviné mesdames, une affaire d’hommes. Les jeunes mâles devaient, pour élargir leur cercle social, se faire élargir le leur par leurs amants ou mentors. C’est le nubile qui était pénétré, jamais l’inverse.
Ainsi un maître embrassera ses esclaves (tel Ulysse) ou, dans la mythologie, Priam suppliera Achille en l’embrassant afin que ce dernier lui rende le corps de son défunt fils.
On n’en sait pas beaucoup plus sur le rituel du baiser en Grèce et les fresques ou les vases sont souvent plus érotiques et explicites que donnant à voir de simples baisers.
Mais on sait que le baiser, le baiser « lascif » même existe en Grèce puisque le terme « kataglôttisma » a donné en français un mot tombé en désuétude « le cataglottisme », mot savant pour dire « rouler une pelle. (n’essayez pas d’elle taquiner la glotte de votre partenaire toutefois ! Sic !)
ROME
Chez les romains, ça se complique ! Trois mots différents expriment le baiser :
L’OSCULE : qui est un baiser avant tout social, qui peut néanmoins être déposé sur la bouche.
Le SUAVIUM : dérivé de SUAVIS (goût agréable, qui a donné suave en français) le suavium décrit un baiser dans un contexte sexuel. C’est LE baiser des amants par excellence aussi que celui échangé avec les prostituées.
LE BASIUM : qui va donner le baiser en français, est tantôt employé dans un contexte social, tantôt dans un contexte sensuel. Il n’est pas employé dans la littérature car considéré comme vulgaire.
La période romaine étant très vaste, vous devez vous douter que le baiser y a été socialisé, normé, toléré mais aussi proscrit, en particulier en public (on évoque des raisons sanitaires particulièrement des épidémies d’herpes) et était très sévèrement puni.
L’idéal de beauté et de plaisir des romains consistaient toutefois dans le baiser et le rapport à la peau. Le plaisir éjaculatoire demandant pénétration vous mettait en contact avec les humeurs et les liquides visqueux du corps, le pinacle du plaisir raffiné était le baiser puis, même, le baiser soufflé. On envoyait ainsi les baisers aux dieux du panthéon romain. L’échange du souffle c’est l’éternité de la chaleur, la chasteté, la fraicheur de l’haleine, ce n’est pas une jouissance spermatique mais une jouissance pneumatique. On trouve néanmoins peu d’illustrations de romains et de romaines s’embrassant non plus que de fresque représentant des scènes de la mythologie à part à Pompéi, en particulier dans les lupanars. Les dieux s’embrassent entre eux, embrassent les humains parfois mais les artistes romains ne peignent ni ne sculptent ces épisodes de la vie des dieux.
3) le Moyen-Age
Comme toujours avec le moyen âge … on pense que c’est moyenâgeux … pas du tout ! Enfin presque ! ON n’en est quand même pas à Metoo ! Les « CLEF d’armors » au XIIIe siècle édictent ce qui suit : « A qui le baiser est donné doit le corps être abandonné, car le baiser est le parent du surplus ». Bref, tu acceptes d’embrasser, tu acceptes de coucher ! (Il est à noter, non sans une certaine ironie, qu’on retrouve cette convenance sociale dans certains milieux libertins du XXIe siècle, le fait d’embrasser vaut acceptation pour échanger de partenaires).
Le baiser devient un signe de soumission et de reconnaissance du rang social.
Les illettrés étant pléthore, on signe les contrats d’une croix que l’on embrasse afin de montrer devant témoins que l’on se soumet à ses conditions.
En revanche l’art s’empare du baiser et le fait figurer partout, des frontons des cathédrales gothiques, illustrant ainsi des passages de la bible, aux scènes du quotidien. Les ecclésiastiques s’embrassent sur la bouche, rappelant ainsi le premier signe de reconnaissance des chrétiens, les chevaliers s’embrasent entre eux, signe de fraternité, enfin le peuple s’embrasse en signe d’affection tout simplement.
Mais le moyen âge c’est le temps de la peste, de la lèpre et même si les thermes ont été rapportés par les croisés et fleurissent à Paris (rue des vieilles étuves) le baiser n’a pas la cote dans l’art … Il reste un signe de soumission à l’église ou à son seigneur.
4) La Renaissance
C’est une des périodes les plus créatrives de l’histoire de l’art et pourtant le baiser ne tient pas un rôle très important dans l’art du quattrocento. Ce sont deux siècles et demi qui voient poindre les premières grandes révolutions scientifiques, Galilée est né en 1564, c’est une période humaniste qui ne touche pas que les arts, tout entre en bouillonnement : l’architecture, la technique, la philosophie … On va devenir plus libre, bientôt … mais l’heure n’a pas encore sonné.
XVIIe et XVIIIe siècle
Nous voilà au temps des lumières, de la révolution et du libertinage. L’adultère est une pratique sociale acceptée aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Le baiser devient libertin, libertaire même si les artistes reviennent toujours à la mise en scène d’épisodes mythologiques. Psyché en particulier est l’illustration parfaite de l’amour romantique. (Psyché est réputée plus belle que Vénus elle-même, cette dernière en prend ombrage et demande à son fils Cupidon de la faire tomber amoureuse d’un homme très laid mais voilà, Cupidon lui-même s’éprend follement de la belle. Psyché trahit la confiance de Cupidon en le regardant à son insu une nuit et est punie par Vénus qui l’oblige à surmonter quatre épreuves impossibles. Psyché finit par mourir mais Cupidon la ressuscite d’une de ses flèches, les dieux lui accordent finalement la vie éternelle et Cupidon et elle vécurent heureux et eurent … une seule fille : Volupté)
Mais les représentations se font sensuelles, coquines, on sent le vent de liberté qui souffle sur l’Europe en général et sur la France en particulier, pays de la révolution, des droits de l’homme et des philosophes des lumières.
Le baiser est mis en scène selon une esthétique empruntée encore à l’antiquité ou selon de nouveau canons, plus près d’une anatomie véritable. Les corps de Rodin ou de Camille Claudel, par exemple, prennent quasiment vie devant le spectateur et lui permettent de s’identifier aux personnages de la sculpture.
Les estampes japonaises, quant à elles, sont très souvent à caractère érotique bien sûr mais on voit poindre, chez Utamaro en particulier, un moderniste étonnant dans le trait.
5) Les temps modernes
C’est le temps des grandes révolutions ! La science a Einstein, la psychanalyse a Freud, la philosophie a Marx, le pacifisme a Gandhi. L’art va avoir Courbet, Brancusi, Duchamp, Balthus, Picasso, Van Gogh, Kandinsky, Klimt, Frida Kahlo, Niki de Saint Phalle, Cindy Sherman et bien d’autres !
Toutes et tous (même si je n’ai pas trouvé d’œuvres de femmes représentant un baiser) vont s’emparer de ce thème, le politiser, l’idéaliser, le démocratiser même si les thèmes mythologiques restent d’actualité, Psychée en particulier qui revient à toutes les époques.
La révolution sexuelle de 68 passera bientôt par là et interdira d’interdire. Le baiser s’échangera et s’affichera dans la rue.
Le baiser reprend ses droits ! Tous les supports artistiques s’en emparent. Le cinéma, la peinture, la sculpture, le street art, jusqu’à une tombe du cimetière de Barcelone …
Le baiser devient même un symbole politique et social. Dimitri Vrubel va peindre une fresque sur un morceau du mur de Berlin (un an après sa chute), s’inspirant de la célèbre photo représentant Brejnev (URSS) embrassant Honecker (RDA). Oliviero Toscani, le génial et controversé photographe de Benetton, va scandaliser le monde avec ses photos de baisers et ses montages mais aussi remuer les consciences et donner à réfléchir. (Sida, homosexualité, sexualité du clergé catholique, rivalités politiques …)
Voilà ! Le baiser, on l’a vu, a été sublimé, subversif, suranné, supprimé, surréaliste, sulfureux … nous espérons qu’il vous aura surpris, surexcité, survolté !
Alors ne vous laissez plus surbooker … embrassez-vous !
“Le baiser est la plus sûre façon de se taire en disant tout.”
Guy de Maupassant