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Une histoire érotique de la psychanalyse, quand Freud se met presque nu

Et si le divan n’était pas seulement un lieu d’introspection, mais aussi de désir ? Dans l’univers feutré de la psychanalyse, où les mots se murmurent et les secrets s’effeuillent avec pudeur, Sarah Chiche nous convie à une exploration audacieuse et voluptueuse avec son ouvrage Une histoire érotique de la psychanalyse. Publié en 2020, ce livre propose une relecture envoûtante des figures emblématiques de la psychanalyse sous l’angle de leurs désirs et de leurs passions charnelles. Freud, Lacan, Dora, Schreber… tous au lit, ou presque. Entre scandales, pulsions et grandes idées, embarquez pour une psychanalyse à la fois intellectuelle… et délicieusement troublante.

Sarah Chiche, une psychanalyste qui fait grimper la température

Écrivaine, psychanalyste, romancière et intellectuelle, Sarah Chiche est l’une des plumes les plus incandescentes de la scène littéraire française. Connue pour ses romans puissants Les Enténébrés et Saturne, elle signe Une histoire érotique de la psychanalyse, un essai fascinant qui mêle érudition et excitation. Et sa thèse est simple, mais brûlante : la psychanalyse, loin d’être cette pratique froide et objective est née plutôt d’un désir, de désirs. Elle est traversée de fantasmes, de projections et d’émois. Freud et ses successeurs ont théorisé le sexe tout en le vivant, le refoulant, l’analysant, le craignant et parfois, en le sublimant dans de longues lettres ou de beaux silences.

« Dès les origines, l’érotisme fut là. Freud a tenté de le dompter, d’en faire une science. Mais la bête a toujours échappé. »

L’auteure invite son lecteur à revisiter les relations intimes et sulfureuses qui ont jalonné l’histoire de cette science de l’âme. Ce qui distingue Une histoire érotique de la psychanalyse, c’est avant tout le style envoûtant de Sarah Chiche. Sa prose, à la fois élégante et suggestive, enveloppe le lecteur dans une atmosphère feutrée où les non-dits et les soupirs résonnent entre les lignes. Elle parvient à mêler rigueur historique et sensualité, offrant à son lecteur une lecture aussi instructive qu’excitante.

Quand Éros s’invite sur le divan

Dès les débuts de ses recherches, Freud ne s’intéresse pas aux névroses en pantoufles. Il veut comprendre pourquoi le désir déborde, pourquoi l’on souffre d’aimer ou de ne pas jouir. Très vite, il relie les symptômes à la sexualité infantile, aux fantasmes et aux traumas. Il parle d’hystérie, de libido et de refoulement. Et autant dire qu’il met les pieds dans le lit. Pour l’auteure, le lieu même de la cure, le fameux divan, est un dispositif hautement érotique. On y parle sans censure, on s’y dévoile et on projette sur l’analyste des figures paternelles, maternelles et sexuelles.

« Le psychanalyste est un partenaire sexuel imaginaire. C’est pour cela que tant d’analysants tombent amoureux. Pas d’un corps, mais d’un regard qui écoute. »

C’est le transfert, ce glissement amoureux ou sexuel vers le thérapeute. Et son jumeau maléfique, le contre-transfert. Sarah Chiche, avec humour et acuité, montre combien toute analyse digne de ce nom est traversée de ces tensions sensuelles qu’on ne doit ni encourager, ni nier. La psychanalyse est traversée par le fantasme, au sens sexuel, mais aussi fictionnel. L’analyste écoute des récits, les interprète et parfois, fantasme lui-même.

« Le fantasme est cette scène intérieure où tout est permis. Il structure le sujet. Il oriente ses choix, ses plaisirs, ses terreurs. »

On pense au cas Schreber, analysé par Freud : un magistrat qui croyait être enceinte de Dieu. Délire total ? Pas si vite. Freud y voit un fantasme de féminisation, un refoulé homosexuel et surtout, une manière de symboliser une réalité intolérable autrement. Dans cette thérapie, le fantasme n’est jamais ridicule, il est la carte du trésor de l’inconscient. Et si l’on pousse un peu plus loin, tout devient une scène érotique : la parole, le silence, l’absence, le lapsus, l’attente… Le psy, loin d’être neutre, devient un écran où se projettent les fantasmes les plus enfouis.

Des psychanalystes pas si frigide et des patients emplis de passions

Freud, père de la psychanalyse, est volontiers imaginé sévère, fumeur de cigares, cocaïnomane et obsédé par le complexe d’Œdipe. Mais l’écrivaine brosse un portrait bien plus sensuel de ce Viennois entêté.

« Freud fut un homme du désir. Non pas un obsédé, mais un théoricien du trouble. Et ce trouble passait toujours, d’une façon ou d’une autre, par le sexe. »

Il faut relire ses Cinq leçons sur la psychanalyse, ou le fameux Cas Dora, pour comprendre à quel point l’érotisme est partout, même dans la névrose. Dora (pseudonyme d’une jeune patiente de 18 ans) souffre d’aphonie. Mais derrière sa gorge qui se ferme, Freud découvre un réseau de désirs, de rejets et de scènes primitives refoulées. Il ne la “guérit” pas mais il comprend que la parole, même avortée, est toujours chargée de libido.

L’auteure souligne également les liens ambigus que le psychanalyste viennois entretient tout au long de sa carrière avec ses disciples, notamment avec Carl Gustav Jung. Elle cite une lettre de Freud à Jung où il confesse :

« Vous êtes le seul avec qui je puisse parler de tout ce qui me préoccupe. »

Cette proximité intellectuelle et émotionnelle laisse entrevoir une complicité teintée d’une affection profonde, voire d’une attirance sublimée.
Et l’une des figures centrales de cet ouvrage est sans conteste Sabina Spielrein, patiente puis collaboratrice de Jung. Leur relation, mêlant thérapie et passion, illustre parfaitement la porosité entre le cadre analytique et les élans du cœur. L’écrivaine décrit avec finesse cette liaison :

« Entre Jung et Sabina, les frontières se brouillent, les rôles s’inversent, et la cure devient une danse sensuelle où chacun se dévoile. »

Sarah Chiche n’épargne aucune des figures tutélaires de la psychanalyse. Lacan, par exemple, dont le charisme fascinait autant qu’il écrasait. Winnicott, Klein, Dolto… Tous ont produit des concepts vertigineux. Mais tous ont aussi été, comme leurs patients, traversés par des désirs pas toujours si bien domptés.

« Certains ont cru qu’être analyste les plaçait au-dessus du désir. Grave erreur. Le contre-transfert est souvent une scène de théâtre où se rejoue leur propre histoire. »

Le livre est truffé d’anecdotes savoureuses, parfois acides, souvent troublantes. Des analystes qui tombent amoureux de leurs patientes (ou l’inverse), qui confondent neutralité et froideur, ou qui jouent les gourous. L’érotisme cette science humaine, c’est aussi celui du pouvoir, du savoir et de la parole qui pénètre.

Réception critique, entre éloge et émoi

À sa sortie, l’ouvrage suscite des réactions contrastées. Certains critiques saluent l’audace de l’auteure, tandis que d’autres expriment une certaine réserve face à cette approche érotisée de la pratique. Néanmoins, tous s’accordent sur la qualité de la recherche et la pertinence des sources mobilisées. Comme le souligne un article du Monde : « Sarah Chiche offre une perspective inédite, éclairant d’un jour nouveau les figures tutélaires de la psychanalyse. »
À l’ère des coachs de vie, des applis de méditation et des thérapies express, la psychanalyse paraît parfois ringarde, poussiéreuse, voire trop verbeuse. Pourtant, selon Chiche, elle reste l’un des rares lieux où l’on peut parler du désir sans filtre, sans performance, sans moralisation.

« La psychanalyse ne donne pas de mode d’emploi. Elle invite à descendre dans ses propres profondeurs. Et ces profondeurs sont souvent érotiques. »

Entre le porno, le sexe désincarné et les relations Tinder, le divan redevient un espace rare : celui où l’on peut avouer ses fantasmes sans honte, où le silence a du poids, où le désir peut être accueilli et non agi. Sarah Chiche milite pour une psychanalyse vivante, incarnée, et assumée dans son érotisme structurel. Pas pour coucher avec ses patients, non. Mais pour reconnaître que là où il y a parole, il y a transfert. Et où il y a transfert… il y a souvent du désir.

Finalement, Une histoire érotique de la psychanalyse est bien plus qu’un simple ouvrage historique. C’est une invitation à explorer les zones d’ombre et de lumière de l’âme humaine, là où le désir et la raison s’entrelacent dans une danse infinie. Avec finesse et audace, l’auteure nous rappelle que cette science, au-delà des concepts et des théories, est avant tout une affaire de passion, de chair et de cœur. À travers Freud, Lacan, les cas cliniques célèbres, mais aussi ses propres observations de praticienne, l’auteure et psychanalyste compose un tableau vibrant d’une discipline qui parle moins de guérison que de désir. Un désir qui traverse la parole, qui fait trébucher les mots, et qui fait battre le cœur sous la blouse. Et lire ce livre, c’est un peu comme faire une séance d’analyse nue : on y entre pour comprendre, on en sort troublé, avec une envie soudaine de chuchoter ses fantasmes à un inconnu… allongé sur un divan.

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