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Orgasme et Préjugés, Lucy Rose ou l’art de jouir sans complexe

Le plaisir féminin a longtemps été relégué à l’arrière-boutique du désir, discrètement replié entre deux soupirs convenus, maquillé sous des métaphores florales, effleuré du bout des lèvres et surtout, savamment corseté par une morale friande de convenances et d’interdits bien repassés. Mais aujourd’hui, certaines voix ne se contentent plus de murmurer. Elles renversent la table, rient dans les draps défaits et parlent de jouissance avec légèreté, comme on parlerait d’un apéritif improvisé. Lucy Rose fait partie de ces femmes qui écrivent pour réveiller la peau, décoincer l’âme et secouer les idées reçues avec une grâce insolente. Avec Orgasme et Préjugés, elle signe un texte pétillant, viscéral et joyeusement effronté, où l’orgasme n’est plus une prouesse mais une aventure imprévisible, irrésistible et profondément décomplexée. Loin des traités sérieux sur la sexualité et des manuels de développement personnel sous vide, l’autrice ose la sensualité légère, une irrévérence qui caresse et mord à la fois, et surtout une revendication : celle d’un plaisir vécu, pensé, célébré avec les fesses, le cœur et ce délicieux brin d’esprit qui fait toute la différence. Alors, entre éclats de rire et frissons de désir, levons le voile sur un livre qui murmure à l’oreille des femmes (et des autres) : jouissez, et tout ira mieux.

L’orgasme comme chemin, pas comme injonction

Dès les premières pages, Lucy Rose plante le décor : l’orgasme n’est pas une destination obligatoire. Il est une possibilité, une surprise ou un chemin semé d’expériences, d’essais, d’égarements délicieux et parfois, d’échecs charmants. Elle refuse la lourde injonction contemporaine au « bon sexe », celui qui ferait jouir fort, souvent, en 3 minutes chrono et sans fausse note. Avec une ironie fine, elle moque cette nouvelle tyrannie du plaisir qui, sous couvert d’émancipation, remet sur les épaules féminines une pression de plus :

« Je devais atteindre l’orgasme comme on atteint un sommet : rapidement, brillamment, en criant victoire à plein poumons. Raté. La plupart du temps, je me contentais d’une balade au pied de la colline. »

Ce regard décalé et précieux libère. Il rappelle que jouir n’est pas une obligation, mais une danse. Le plaisir se construit autant dans l’éclat de l’extase que dans l’abandon des attentes. Et parfois, la vraie victoire, c’est de sentir, d’explorer et de rire sans forcément venir. L’écrivaine décrit l’orgasme non comme un trophée, mais comme un voyage d’imprévus sensuels. Et c’est infiniment rafraîchissant !

Le plaisir féminin sous perfusion culturelle

Le deuxième terrain de bataille de Lucy Rose est culturel. Avec humour et précision, elle démonte une à une les représentations absurdes qui corsettent encore la sexualité féminine : la passivité désirée, l’orgasme vaginal mythique, le plaisir silencieux et discret ou le fantasme du plaisir immédiat sans apprentissage. Elle rappelle que la sexualité féminine n’a jamais été pensée pour les femmes. Les récits, les images et les scripts sont souvent fabriqués par et pour des regards masculins. Et pour jouir librement, il faut d’abord se débarrasser de tout un fatras de préjugés.

« J’ai longtemps cru qu’il fallait que ce soit lui qui me mène jusqu’à l’orgasme. Comme s’il possédait une carte secrète que j’étais trop bête pour lire. La vérité ? Il n’avait même pas de boussole. »

Dans un style espiègle mais acéré, Lucy Rose déconstruit ces mythologies sans jamais tomber dans la lourdeur. Elle invite à rire du mythe du « bon coup » et à sourire de ces attentes irréalistes qu’on plaque sur des corps. Et surtout, elle convie à se réapproprier le pouvoir de nommer, d’explorer, de ressentir selon ses propres termes. Son propos n’est jamais revanchard, il est lucide et libérateur. Et cela fait toute la différence.

Réconcilier le corps et l’esprit

Au fil des chapitres, une évidence douce s’impose : jouir n’est pas seulement une affaire de corps, mais une affaire d’âme. Lucy Rose ne fait pas de son ouvrage un énième manifeste spiritualiste. Elle montre avec finesse que le plaisir naît dans la liberté intérieure, pas seulement dans la friction. Elle raconte comment les blocages, les non-dits et les hontes intériorisées figent la jouissance. Et sa plume s’attèle à montrer que le travail de réconciliation passe par l’acceptation de tout ce qui vibre, frémit et échappe au contrôle.

« Mon corps connaissait la route. Mon esprit, lui, s’acharnait à brandir des panneaux de limitation de vitesse. »

Dans un monde saturé de performances sexuelles à l’image (porno, réseaux sociaux ou storytelling du couple parfait), l’autrice propose un autre tempo, celui du tâtonnement sensuel, de l’écoute intime et du flirt avec soi-même. Ici pas de recette miracle ou de dogme, juste une invitation subtile à ralentir et à ressentir autrement. En filigrane, c’est une vision éminemment politique du plaisir qui se dessine. Pour elle, un corps qui s’écoute est un corps qui résiste et un désir qui s’affirme hors des normes est déjà un acte de souveraineté.

L’humour comme arme sensuelle

Ce qui rend Orgasme et Préjugés si singulier, c’est sans doute son humour. Loin d’être cynique ou défensif, c’est un rire qui déshabille la peur, caresse le malaise et fait de l’orgasme une chose à la fois sérieuse et délicieusement dérisoire. Lucy Rose rit de ses premières maladresses, des partenaires hésitants, des attentes ratées et des gémissements forcés par politesse sociale. Elle rit pour alléger son propos et ouvrir l’espace du plaisir à la spontanéité.

« Il avait mis une heure à ouvrir mon soutien-gorge. Je me suis demandée si je devais l’applaudir ou l’achever. J’ai opté pour l’orgasme. »

Cet humour n’est pas seulement un effet de style, c’est une stratégie de reconquête. En riant de ses propres déboires érotiques, l’autrice offre à tous ses lecteurs le droit d’être imparfaits, vulnérables et humains. Et finalement, ce rire partagé fait de cet ouvrage un livre profondément érotique au sens fort : il reconnecte au vivant, à l’irrépressible et à la joie d’exister dans son propre corps.

Finalement, Orgasme et Préjugés n’est pas seulement un petit traité jubilatoire du plaisir féminin. C’est un manifeste tendre et insurgé, qui invite à jouir sans demander la permission, à rire des injonctions et à reconquérir son désir comme on reconquiert un territoire : par l’exploration, la curiosité et l’amour de soi. Lucy Rose écrit avec une plume rieuse tachée de lubrification joyeuse. Elle ose parler vrai, désacraliser l’orgasme sans l’amoindrir et faire du plaisir une matière vivante et rieuse. Et lire ce livre, c’est recevoir en douce une sorte de permission : celle d’être incomplète, désirante, fluctuante, puissante et humaine, tout simplement. Et si, en refermant ce texte, il vous prend l’envie soudaine de goûter la vie avec un sourire en coin et les sens affûtés… c’est que Lucy Rose aura réussi son pari le plus sensuel : réconcilier la littérature et la jouissance.

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