Saurez-vous décoder ces métaphores sexuelles?
Nommez le sexe et vous tombez dans la pornographie; “suggérez, voilà le rêve”, comme disait Mallarmé. La poésie permet de rompre avec les banalités et donne au langage un certain pouvoir du détournement.
Une des innombrables saveurs de la langue réside dans ce perpétuel jeu de cache-cache. Qu’elles soient un brin polissonnes ou carrément crues, les métaphores qui suivent sauront, je l’espère, piquer votre curiosité.
A votre avis…
Qu’est-ce que le “hérisson” ? Le “bijou rose et noir”? Le “biseau”? Une “shampouineuse”?
Réponses
Quand voir un “hérisson” ?
Qui s’y frotte s’y pique… Un homme a-t-il été éconduit pour avoir caressé d’une main trop leste l’entrejambe de sa bien-aimée?
Est-ce parce qu’un indélicat n’a pas trouvé la douceur d’une toison à son goût?
Ou bien cette image fait-elle penser au bombé du Mont de Vénus piqueté d’herbe drue, rappelant le corps de cet animal nocturne qui fait le dos rond quand il a peur?
Peut-être un peu de tout cela à la fois. Toujours est-il que le “hérisson” désigne… les poils pubiens.
Que désigne le “bijou rose et noir”?
E. Manet, Portrait de Lola de Valence, 1862
Entre tant de beautés que partout on peut voir, Je comprends bien, amis, que le désir balance ; Mais on voit scintiller en Lola de Valence Le charme inattendu d’un bijou rose et noir. Charles BaudelaireLe poète désirait voir ses vers accrochés sous l’oeuvre du peintre Manet avec lequel il souhaitait entamer une collaboration. Mais la teneur érotique de son texte ne faisait aucun doute pour la critique et le public fut choqué, comme le rapporta Emile Zola, journaliste et écrivain à cette époque.
Le bijou auquel il faisait allusion était… le sexe de la femme.
Quand fait-on son “biseau”?
Un outil qu’on ne voit guère aujourd’hui est très évocateur. Il s’agit du “biseau“, un objet qui ressemble au sexe masculin en érection. Cette règle plate, utilisée par les typographes dans le domaine de l’imprimerie, a la particularité d’être rigide et droite d’un côté mais courbe de l’autre…
Qui est la mystérieuse “shampouineuse”?
“Oh ma lou oh ma lou oh Marilou,
Petite gueuse, shampouineuse de mes rêves…”
Vous aurez reconnu ces paroles de Serge Gainsbourg dont le verbe convoitait souvent à merveille les images érotiques. Ce féru des jeux de mots salaces savait certainement que dans l’argot on désigne ainsi une fellatrice, celle qui sait jouer de sa langue pour faire mousser ensemble salive et substance spermatique.
Dans une autre chanson il évoquait la même scène dans des termes plus badins:
J’ai un Mickey Maousse
Un gourdin dans sa housse
Et quand tu le secousses
Il mousse
Allons au théâtre…
Que fait-on quand on “change de décor”? Qu’on se la joue ” à guichets fermés”? Ou qu’on laisse aller “le chat au fromage”?
Ces expressions nous viennent d’un univers qui s’amuse avec la représentation et la mise en scène de l’image.
On “change de décor” tout simplement quand on change de partenaire.
En revanche si on se la joue “à guichets fermés” c’est qu’on ne veut plus faire entrer de gens dans la salle. Une élégante façon de répondre à un galant qu’on souhaite rester fidèle.
Par contre l’expression “laisser aller le chat au fromage” est plus crue. Elle nous vient de Tabarin, le célèbre comédien du XVIIe siècle qu’on pouvait voir jouer lors des foires de Paris. Connu pour ses bons mots et sa langue verte, il faisait tant rire les passants qu’il a inspiré Molière et La Fontaine.
Il entendait par là désigner la perte du pucelage: si le chat (la chatte) goûte au fromage (le sperme), c’est que la jeune fille n’est plus vierge…
Gageons que désormais vous porterez davantage attention à la langue française et qu’elle vous donnera l’envie d’être plus créatifs…