Charline Vermont, la grande prêtresse de l’éducation sexuelle qui murmure à l’oreille des ados

Parfois, les livres les plus nécessaires sont ceux que l’on aurait aimé lire à 14 ans… et que l’on dévore à 31. Dans Corps, Amour et Sexualité : y’a pas d’âge pour se poser des questions !, Charline Vermont livre un ouvrage à la fois tendre, incarné et audacieux, pensé pour les adolescents, mais qui résonne jusqu’au fond des lits des plus grands. Un manuel de savoir-vivre et de savoir-aimer, qui prend la parole là où l’école s’arrête, ou s’égare, pour redonner aux jeunes corps et aux jeunes cœurs une boussole sensorielle, affective et politique. Ce n’est ni un livre de biologie, ni un guide moral : c’est une conversation ouverte, intelligente, pudique et pourtant sans détour. Et dans cette époque où les discours sur la sexualité sont souvent trop crus ou trop flous, ce texte fait figure de rareté. Il éduque sans crisper, éclaire sans accuser, et surtout, il parle vrai, avec une langue à la fois simple et incarnée, qui ne désacralise pas le désir mais l’accueille.
Un livre qui caresse dans le sens du poil
Dès les premières pages, Charline Vermont pose le ton. Ici, il n’y aura pas de schéma fade ni de glossaire clinique. Il faut de la couleur, du dessin, de l’humour et de la douceur. Le livre est illustré par Mirion Malle, connue pour ses BD féministes (Commando Culotte, La Ligue des Super Féministes). Et le combo fonctionne à merveille : un texte direct, cash mais bienveillant, et des dessins qui dédramatisent sans jamais tourner en ridicule. L’anatomie se conjugue à la première personne et le ton est léger mais pas creux, sérieux mais jamais ennuyeux. Il parle aux jeunes, mais respecte leur intelligence et surtout, il ose dire les vrais mots. On y parle de vulves, de pénis, de clitoris, de masturbation et de fantasmes.
“Je vais te parler de ton clitoris, de tes poils, de ton pénis, de ta vulve, de ton plaisir, de tes limites, de ton envie. Sans tabou. Parce qu’il n’y a pas de honte à connaître ton corps.” (Charline Vermont)
L’auteure commence par la base, le corps. Pas celui fantasmé par les filtres Instagram, mais le vrai. Celui qui évolue, qui transpire, qui bande ou mouille sans prévenir, qui a des poils, des odeurs, des formes variées et souvent complexes à aimer.
“Ton corps n’est pas un problème à résoudre, mais un territoire à explorer.” (Charline Vermont)
Ce territoire, elle le trace avec délicatesse. Elle évoque les premières fois, les envies floues, les mains maladroites, les silences complices, les peaux qui frissonnent et les regards qui interrogent.
“Ton corps change ? Normal. Ton corps te déroute ? Logique. Ton corps te fait kiffer ? Génial ! Ton corps te pose des questions ? Bienvenue dans la team humaine.” (Charline Vermont)
Elle parle de puberté sans drama, avec un naturel désarmant et des mots qui ne donnent pas envie de se cacher sous la couette. Sa plume brillante ne sépare jamais le corps du cœur, liant constamment sensations et émotions. Pas de jargon scientifique qui donne l’impression d’être dans un TP de SVT, ni de discours moralisateur façon vieux curé planqué derrière un paravent. Ici, tout est fluide, incarné et joyeux.
Plaisir, consentement et pouvoir : la sainte trinité moderne
L’un des grands mérites de cet ouvrage est de replacer le désir au centre de l’éducation sexuelle. Pas seulement comme un phénomène biologique, mais comme une langue à apprendre. Charline Vermont insiste, le consentement ne se réduit pas à un “oui” ou un “non” administratif. Il est fluide, mouvant et vivant. Il s’apprend, se ressent, se négocie et surtout, ne se suppose jamais.
“Le désir, ce n’est pas une obligation. Ce n’est pas un devoir. Ce n’est pas une performance. C’est une émotion à écouter, à accueillir, parfois à apprivoiser.” (Charline Vermont)
Elle enseigne ainsi à dire “non” sans culpabilité, à dire “oui” sans contrainte, et à ressentir quand ni l’un ni l’autre ne s’impose. Ce qu’elle transmet, c’est une intelligence érotique, une écoute de soi et de l’autre et une sensualité active, éclairée, libre.
“Dire ‘oui’ une fois, ce n’est pas dire ‘oui’ pour toujours. Et dire ‘non’ à un acte sexuel, ce n’est pas dire ‘non’ à la personne.” (Charline Vermont)
Le message est clair, simple et terriblement puissant.
Les sexualités plurielles
À l’âge où l’on cherche qui l’on est, l’auteure propose d’accueillir les contradictions plutôt que de les trancher. Elle évoque avec finesse les attirances multiples, les identités de genre, les incertitudes et les zones grises. Elle ne propose pas une carte tendre mais une invitation à se perdre et à se retrouver. L’ouvrage explique, sans surplomb, sans caricature, avec des mots simples, tout en étant toujours respectueux.
“Tu n’as pas à savoir tout de suite. Tu peux aimer qui tu veux, comme tu veux, au rythme qui est le tien.” (Charline Vermont)
Dans ces pages, les sexualités sont plurielles, mouvantes, légitimes. On y parle d’hétérosexualité, d’homosexualité, de bisexualité, d’asexualité, mais surtout, on y parle de liberté. Charline Vermont propose un monde où chacun a le droit de se chercher, de douter, de changer et de s’aimer. Un monde où l’on n’est pas figé dans une identité à 14 ans. Et pour beaucoup d’adolescents (et d’adultes en reconstruction), c’est une respiration.
“Tu as le droit de ne pas savoir. De ne pas te sentir fille ou garçon. De te sentir un peu des deux. Ou ni l’un ni l’autre. De ne pas vouloir te coller une étiquette.” (Charline Vermont)
Ce faisant, Charline Vermont redonne une dignité politique à l’éducation sexuelle : elle la sort du biologique pour la faire entrer dans le champ de l’éthique, de la relation et de la reconnaissance.
L’art d’érotiser la connaissance
Et le grand charme du livre réside dans sa capacité à allier précision et douceur, sérieux et sensualité. Il ne s’agit pas d’infantiliser les lecteurs, ni de les confronter brutalement à des réalités qu’ils ou elles ne maîtrisent pas. Il s’agit d’ouvrir une conversation, une vraie, authentique. Chaque chapitre se lit comme une lettre enveloppante, éclairante et sensuelle. Les illustrations de Mirion Malle, tout en rondeurs et en finesse, accompagnent le texte avec justesse, humoristiques parfois, tendres souvent mais jamais déshumanisantes.
L’un des grands combats de Vermont, c’est la libération du vocabulaire. Elle ose les mots justes : vulve, clitoris, verge, anus, sperme, cyprine, les employant sans détours, sans déguisement. Parce que nommer, c’est exister et ne pas oser dire, c’est déjà censurer. Le livre agit comme un antidote à la honte. Ici, pas de discours anxiogène. Oui, on parle IST, contraception, grossesse non désirée, violences sexuelles, mais jamais de façon culpabilisante. L’auteure propose une éducation positive, où la prévention passe par la connaissance, pas par la peur. Elle cite des sources sérieuses, s’appuie sur les travaux du Planning Familial, de la Haute Autorité de Santé, de l’OMS, et d’associations comme SOS Homophobie ou le collectif NousToutes. Chaque information est validée, référencée et solide.
L’écrivaine invite à écouter, à poser des questions et à oser dire “je ne sais pas”. Et c’est sans doute la chose la plus sexy du monde. Là où beaucoup d’ouvrages sur la sexualité enferment dans des catégories, Charline Vermont ouvre le champ des possibles. Elle rappelle que la sexualité, ce n’est pas une technique, ni une science dure, mais un art relationnel. Elle enseigne l’écoute, le respect et la patience.
“Faire l’amour, ce n’est pas faire une démonstration. C’est faire une rencontre. Et cette rencontre commence souvent bien avant d’enlever ses vêtements.” (Charline Vermont)
Elle parle ainsi du plaisir non comme un but à atteindre mais comme une manière d’être au monde, d’être à soi. Une source d’ancrage, de joie et d’expression. Ce livre s’adresse aux adolescents, bien sûr, mais s’adresse aussi, en filigrane, à leurs parents, à leurs éducateurs, à celles et ceux qui, trop souvent, n’osent pas parler de ces sujets. Il donne des mots là où trop de silences pèsent. Il réconcilie les générations avec l’idée qu’on peut parler d’amour et de sexe sans gêne ni vulgarité. Le format sous forme de chapitres courts, de questions-réponses, de petits encadrés, rend la lecture accessible et fluide. On picore, on surfe, on revient. On lit à deux. On relit seul. On rigole, on se touche le menton, parfois un peu plus bas. Et au passage, on se reconnecte à soi.
Charline Vermont réussit le pari d’écrire un manuel d’éducation sexuelle qui n’est ni ennuyeux, ni infantilisant, ni brutal. Un texte qui ose parler de corps, de plaisir, de désir, d’émotions et de limites avec une intelligence rare. Son livre réconcilie les lecteurs avec leur intimité, légitime les doutes et célèbre les découvertes. Dans une époque saturée de discours anxiogènes, ce texte est une main tendue. Un kit de survie pour ados paumés, parents dépassés et adultes en quête de réparation. C’est une ode au corps qui bande, qui mouille, qui change, qui doute, qui vibre. Et ça, c’est foutrement sexy.